J’ai été élu pour le repas du soir : un risotto aux champignons. La semaine a été éprouvante, je suis fatigué, mais j’ai promis. Avec moi ne reste que le chat, qui se frotte à mes jambes, et manque de me faire tomber.
Réaliser cette recette laisse des temps morts. Dans le risotto il faut rajouter du bouillon régulièrement, ni trop, ni trop peu, au bon moment. J’ai donc le temps de penser : pourquoi suis-je là, comment cela s’est-il passé, que se passera-t-il ?
Pour le tout début, pourquoi était-elle là sur ma route, ou moi sur la sienne ? Un hasard, une place s’était libérée, et elle était là, et moi aussi. La foudre m’avait-elle frappé en la voyant ? Non pas du tout. Son charme n’avait opéré qu’ensuite, mais il avait si bien agi que j’avais entrepris l’assaut avec fougue. Le siège n’avait pas été trop long, ni trop difficile, et je m’étais retrouvé la corde au cou, et très content d’être ainsi entravé.
Le riz épaissit, je tourne la cuillère de bois. Il faut doser le bouillon à rajouter. Pourquoi choisir cette cuisson, alors que le riz à la créole est bien plus simple ?
Je continue à me souvenir, à méditer. Oui je crois avoir pris la bonne décision, fait le bon choix. Pour son point de vue à elle, demandez le lui.
Le chat se frotte encore contre mes jambes. Je l’écarte. Le riz épaissit. Je rajoute du bouillon.
Puis sont venus les enfants, choix commun dès le départ. Rien d’original, rien de grandiose dans tout cela. Et aussi le travail, plus ou moins facile. Rien que cela. La route que j’ai suivie est bien banale !
Banale certes. Si j’avais rêvé enfant, d’être un grand homme, de révolutionner l’humanité, c’était mal parti. Mais à moi de construire quelque chose qui ne soit pas trop mal équilibré, trop mal fichu. Le grand succès, l’exploit pour l’humanité surgiront peut-être dans les générations suivantes. À moi de me contenter des petits succès peu visibles de la vie de tous les jours, ou de difficultés plus grandes à surmonter.
Je relis ce texte. Trop personnel, mal équilibré. L’inspiration n’était pas au rendez-vous. Puis me reviennent ces mots de mon arrière grand-mère, la mémé que j’aimais beaucoup. Parlant de sa fille, ma grand-mère, une femme tout à fait remarquable, elle disait: « J’ai fait mieux que le Bon Dieu, j’ai fait mieux que moi. » Ce sont là des paroles qui ne s’inventent pas.
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Cherrier Geneviève (lundi, 09 décembre 2019 18:09)
Mais quel beau texte, très émouvant.... entre ce quotidien palpable, en surface et la profondeur des sentiments si bien décrits en métaphores choisies pour nous les communiquer avec pudeur..!!!
superbe !!!
ANNIK (lundi, 20 janvier 2020 18:26)
C'est vrai que la cuisine peut amener à la méditation.
Que de richesses dans cette description pensive. Bravo !