Quand j'étais eau docile, à l'enfance du monde,
Humble et vierge étendue, grand silence dormant,
L'azur en son extase me susurrait d'en haut: «Miroir, mon beau miroir...»
Vint le temps où la Vie en mon sein prospéra
Quoi ? Me dis-je bientôt, piquée de vanité
Je suis l'Eau, la puissante
La mère universelle
Giron de l'infini des formes du vivant
Et me voilà couchée bien au-dessous du ciel
Reflet docile et niais de l'uniforme azur
Offrant au grand bêta de quoi se vénérer ?
C'est indigne de moi...
Réfléchir le ciel bleu : Vraiment, la belle affaire !
Réinventer le ciel, voilà le grand exploit !
Dès lors rien ne me détourna de mon oeuvre grandiose
Puisant au Un céleste l'infini des possibles
Je créai plus de bleus que n'en sauriez compter
Sur mes mers, mes rivières et mes lacs de montagne
De l'atmosphère unie bêtement fonctionnelle
Dépoussiérai l'azur par mille fantaisies,
Par mille échos dansant sur mon corps chatoyant
Et toi, humanité conquise, face à moi interdite,
Ne lèves plus les yeux vers le grand délaissé
Que pour les reposer de tant de majesté
Quant au rival d'en haut qui tant se rengorgeait en son miroir liquide ?
Humilié, il envoie aux humains infidèles
Tempêtes, ouragans, et autres cataclysmes
« Si vous ne m'aimez plus, craignez moi », gronde t-il !
Et dans sa rage folle, fait de mes flots puissants son instrument de mort,
Retournant contre moi le cœur de mes enfants
Orgueil et jalousie, Ah ! Le couple fatal !
Infortunés humains, qui poussés par l'hubris,
Pavanez nez au vent, sans voir le précipice
De ce choc des titans retenez la morale !
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